Un atelier cuisine avec Citad'Elles

Atelier Citad’Elles : cuisiner, c’est aussi ça

J’en avais déjà parlé brièvement en mars (il y a un an, il y a un siècle et il y a une éternité) mais en 2017, je suis allée passer une matinée au centre pénitentiaire des femmes de Rennes pour cuisiner et partager un déjeuner composé du fruits de nos efforts.

Un atelier de cuisine entre meufs et quelques heures que je ne suis pas prête d’oublier.

(Ah non, pas exactement « entre meufs » : il y a avait aussi Alain des Etablissements Bollec, je ne capte que maintenant qu’il était le seul homme au milieu de notre fine équipe, BRAVO ALAIN, bien joué)

C’est pas facile de venir vous en parler ici pour plein de raisons mais ce n’est pas non plus envisageable de ne pas partager avec vous un peu de tout ça. Parce que ça colle assez avec ce que je mets dans le mot « cuisiner »,  c’est à dire beaucoup de choses.

Il y a longtemps, j’avais un peu juré de ne jamais remettre les pieds en prison de toute ma vie mais je suis contente d’avoir changé d’avis. Donc un grand merci :

  • aux Etablissements Bollec, à Delphine et Alain en particulier que je suis heureuse d’avoir pu rencontrer (#coeuraveclesdoigts)
  • à toutes les filles de la rédaction de Citad’Elles, pour leur patate, leur efficacité et pour leur accueil (#coeuraveclesdoigts)
  • à Olivier Marie, pour avoir envisagé que le mélange pourrait fonctionner (#coeuraveclesdoigts)

Je sais qu’elles ne pourront pas lire ce billet directement (je pense que l’administration pénitentiaire ne doit pas trop savoir comment gérer internet et l’incarcération en général, c’était plus facile avec juste la télé) mais je vais essayer de leur transmettre d’une manière ou d’une autre.

Un brunch sounds like a good idea, non ?

Avec Delphine et Alain, on s’était dit que le brunch collait pas mal aux possibilités et aux attentes de l’atelier (et aussi au fait que je ne suis pas un chef étoilé)(whaaaaaaaaat ?).

Pour vous remettre dans le contexte, Citad’Elles existe depuis 6 ans : c’est un magazine trimestriel, réalisé par une équipe de rédaction au sein du centre pénitentiaire de Rennes, avec l’accompagnement des Etablissements Bolllec, rompus à ce genre d’exercice. Les détenues réalisent des interviews, rédigent, dessinent… selon leurs envies et leurs affinités.

Dans ce magazine, il y a une rubrique cuisine avec des recettes, et cette rubrique fait suite à un atelier. Je ne faisais pas vraiment la maligne en débarquant à la zonzon parce que parmi les précédents cuisiniers, il y avait Norbert de la télé (et que son passage avait été pas mal apprécié) ou encore Julien Lemarié (un vrai chef, pas une blogueuse quoi).

Mais cette matinée prolongée a juste été parfaite. Honnêtement, il n’y a pas eu l’ombre d’un poil de trucs négatifs (on s’en fout que le billig nous ait lâché ou que les meringues se soient transformées en chewing-gum marron dans le four qui fonctionnait mal).

J’avoue que c’était un peu frustrant de repartir comme j’étais venue, alors que ces rencontres étaient si riches et que j’avais l’impression qu’on avait encore des tas de trucs à se dire.

Vous savez dans la vie, quand vous rencontrez des gens, vous avez parfois envie de les revoir pour une autre occasion ? Bah là, c’est pas si facile.

On dit au revoir d’une manière un peu différente et on retrouve sa vie, imparfaite mais tellement géniale, parce que… LIBRE.

Un atelier culinaire avec Citad'Elles

Je vous fais la liste de ce qu’on a dégusté ?

C’est un blog de cuisine ici, on n’est pas là pour se laisser emporter par des envolées lyriques, ni pour refaire le monde à la buvette.

Et d’ailleurs y’a pas d’alcool en prison (en tous cas c’est pas sensé), c’est pour ça qu’on a fait des eaux aromatisées. Déjà que pour les couteaux, il y a une cérémonie spéciale (moi quand on m’a parlé de cérémonie des couteaux, je pensais qu’on allait assister à une démonstration d’art martial mais en fait non, on compte les couteaux qui coupent vraiment).

Au menu, donc :

  • un pancake, avec des champignons et une sauce Roquefort : le résultat était moche, je dois l’admettre, mais c’était très bon
  • un pudding pommes et caramel beurre salé, une option pour utiliser le DELICIEUX pain cantinable (cantinable = qu’on peut acheter depuis le centre pénitentiaire) quand il devient sec. Ceux qu’on a réalisés ce jour-là étaient meilleurs que ceux de mes essais, je pense que c’est très important de prendre le temps de bien amalgamer les ingrédients…
  • une salade kiwi, thon, avocat, oignons nouveaux : je pensais que le sucré salé pouvait ouvrir de nouvelles portes quand on a toujours la même liste de produits/ aliments/ingrédients à disposition
  • des eaux aromatisées parce que j’avais suffisamment expérimenté pour savoir que c’était quand même vachement sympa (je partais avec des à priori du type « arrêtez avec votre detox »)

Le tout complété de bon fromage et de bon pain et c’était vraiment chouette de se poser à table toutes (désolée Alain) ensemble après avoir cuisiné.

Je n’arriverai sans doute pas à vous retranscrire correctement ce que m’évoquent désormais ces recettes. C’est teinté d’une grande générosité et d’une grande pudeur. Et ça a à voir aussi avec le « Ici et maintenant ».

Faire connaissance en faisant, en collaborant autour d’un plan de travail, c’est définitivement génial. Le moment présent est exploité à son maximum : on doit préparer un brunch avec des inconnues (bon, ok les inconnues les plus efficaces du monde), on a à peine le temps de se demander si on a des enfants en remuant le caramel au beurre salé et pourtant c’est dense, si dense.

Ca peut vite sembler ridicule de parler de moments comme ça quand ça représente 3h dans une année et qu’on touche à peine du doigt ce que veut dire la privation de liberté comme prix à payer de ses actes (je n’ai évidemment aucune idée de la raison pour laquelle mes partenaires du jour étaient enfermées).

Mais pour le coup, ce n’étaient pas juste 3h dans ma vie. C’était en quelque sorte d’étranges retrouvailles… avec un volet du milieu carcéral que je ne connaissais pas.

Vous toutes, les meufs de Citad’Elles, je vous souhaite le meilleur pour la suite.

« Madame Dansmacuizine ?

— oui ?

— c’est quoi ces histoires de « je laisse penser qu’il y a du lourd mais je ne dis rien » ? Ce n’est pas un truc qui vous énerve chez les autres ?

— si, si tu as raison mais là, je fais appel à un joker

— mais vous vous rendez compte qu’on va s’imaginer des tas de choses ? Tout et n’importe quoi ?

— oui, c’est sûr… Hmmm, disons que mon grand-père était voleur de tableaux célèbres et que je le visitais au parloir quand toute ma famille vivait encore au Chili ?

— sauf que c’est pas vrai…

— bah c’est comme le Père Noël, si tu décides qu’il existe… dans ton cœur… tout ça…

— on n’en saura pas plus ?

— si tu décides qu’il existe… dans ton cœur…

— pfff, vous êtes relou là

— dans ton cœur…

— c’est bon on lâche l’affaire… « 

Un grain de sel

  1. Merci Stéphanie. Ton sourire et tes recettes délicieux ont illuminé cette belle matinée

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